Cette thèse propose de reconstruire ce débat d’un point de vue philosophique, en commençant par distinguer, à l’intérieur de la philosophie européenne moderne, deux généalogies distinctes du concept de traduction. Indépendemment de la tradition romantique ou phénoménologique, qui saisit d’abord la traduction à travers l’idée de culture comme formation (Bildung) et au prisme du rapport à l’autre, la traduction possède une généalogie relationnelle. Dans cette dernière, la traduction est d’abord une relation de transformation et ne se définit pas à partir de sujets ou de poles culturels préétablis. La thèse déploie ce second concept de traduction à travers les travaux de Walter Benjamin et de Michel Serres. De différentes manières, leurs réflexions sur la traduction sont toutes deux liées à la métaphysique de l’expression leibnizienne. Alors qu’ils la théorisent à partir d’objets très différents (l’oeuvre d’art et la science), ces auteurs pensent la traduction comme méthode interne ou autonome et l’associent à une critique de l’épistémologie. Un tel concept de traduction devrait nous ramener vers les approches contemporaines (“globale” ou “postcoloniale”) de la traduction, puisque ces dernières tentent d’articuler ensemble la spécificité historique et la possibilité d’une forme non-hégémonique de connaissance.