Que pensez-vous du don d'organes? Est-ce que vous portez une carte de donneur sur vous? Avez-vous déjà discuté de la problématique du don d'organes avec votre famille ou vos amis? Les transplantations d'organes représentent une méthode efficace pour traiter certaines maladies et constituent souvent le dernier espoir pour un patient: en augmentant son espérance de vie ou en améliorant sa qualité de vie (voir par exemple Bucuvalas et Ryckman, 2002 ; Bunzel et Laederach-Hofman, 2000). En revanche, la pénurie due à l'insuffisance de dons d'organe limite sérieusement et diminue considérablement la possibilité de recourir aux transplantations. En Suisse, près de 1000 patients sont en liste d'attente d'un organe mais seule la moitié a pu bénéficier d'une greffe (Swisstransplant, 2009) La décision de devenir donneur d'organes semble particulièrement difficile à prendre. En effet, il faut évaluer les conséquences d'un engagement dans une activité pro-sociale telle que le don d'organes sur son propre bien-être mais également sur celui des proches. Le plus souvent, nous ne prenons pas de décisions et remettons le sujet à plus tard. Pourquoi? Doit-on privilégier une intervention étatique pour faciliter le processus de décision? D'après le modèle standard, les individus cherchent à maximiser leur utilité en tenant compte d'une série de contraintes. Il est implicitement fait l'hypothèse que les individus ont connaissance de leur utilité pour chaque séquence d'action et, par conséquent, sont parfaitement capables de maximiser leur utilité (Stigler et Becker, 1977). Il en résulte qu'une intervention étatique n'apporte aucun intérêt aux individus dans leur processus décisionnel. Cette hypothèse s'avère être très utile pour les biens que les individus consomment régulièrement. Cependant, une vaste catégorie de biens, dont le don d'organes, ne partagent pas cette propriété. C'est précisément pour ces biens en question que les individus doivent entrer dans un processus de "cognition active" pour découvrir leur préférences (Carroll et al., 2009). Dans le cas du don d'organes, les personnes doivent imaginer et penser à leur propre mort avant de décider de se procurer une carte de donneur. Quand bien même une personne décide de le faire, il faut que la famille ou les proches en aient également connaissance. En effet, le défaut de communication de l’information entre le donneur et sa famille est l'une des causes majeures du manque de dons (Martinez et al., 2001). Dans notre projet, nous développons un modèle théorique de décision en présence de cognition active et le testons empiriquement. La partie principale de notre projet sera dédiée à une expérience à grande échelle, en collaboration avec l’association Swisstranplant: - Nous manipulons la cognition active quant au don d'organes en poussant la moitié des participants à réfléchir activement sur la thématique.
- Nous croisons ce traitement avec un supplément d'information que la moitié des participants obtiendra après la manipulation cognitive.
- Nous mesurons ex-post la propension des participants à obtenir une carte de donneur et leur tendance à discuter de sujets décisionnels post-mortem avec leur famille.
Cette expérience nous permettra de mesurer les effets comportementaux à court et à long terme. Nous allons également développer un modèle formel de cognition active et utiliser les variations aléatoires obtenues lors de l'expérience pour estimer structurellement les paramètres.
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