Ce projet entend analyser la Question jurassienne à travers le prisme des enjeux et des idéologies langagières. Nous partons de l’hypothèse que le discours sur la langue a participé, dans les années fortes du combat pour la création d’un canton du Jura, à forger une identité jurassienne. Cependant, les idéologies langagières véhiculées par le Rassemblement jurassien n’ont rien de novateur (génie de la langue française, unilinguisme, purisme, etc.) et surtout, elles sont partagées par d’autres mouvements indépendantistes. Cette intertextualité des discours sur la langue nous poussera donc, dans un deuxième temps, à nous pencher sur les liens personnels et insti¬tutionnels qui unissent les différents mouvements minoritaires francophones (Québec, Wallonie, Val¬lée d’Aoste) dans les années 1960/70 où l’on assiste petit à petit à la création du mouvement de la Francophonie, autour de notions comme celle de communauté de culture entre locuteurs d’une même langue. A cet effet, nous nous intéresserons aux institutions non-gouvernementales qui ont joué un rôle-clé dans la construction du réseau entre les différents mouvements autonomistes (Conférence des minorités ethniques de langue française, Défense de la langue française, etc.).
Insérant notre étude dans le courant émergeant de la sociolinguistique historique, nous emprunte¬rons les concepts à la sociolinguistiques critique (Heller, 2002), à l’analyse du discours (Blommaert, 2005, Martín Rojo, 2001), ainsi qu’à l’anthropologie linguistique (Blommaert, 1999b, Schieffelin & al., 1998). Ces concepts permettront l’analyse et la mise en valeur d’un corpus historique diversifié. Dans cette perspective théorique, nous étudions le discours autonomiste et ses ramifications contextuelles (pro¬cessus historiques et idéologiques dans lesquels il s’insère) parce que cette démarche permet d’ouvrir une fenêtre de choix sur des processus sociaux plus globaux (Heller & Labrie, 2003: 11-13). Nous nous interrogerons par exemple sur les caractéristiques des idéologies langagières (quelle conception du bilinguisme et du locuteur bilingue ? quelle norme du français est-elle valorisée ? Quelle concep¬tion du contact et donc du mélange des langues et des cultures ?) mais également sur les incidences de celles-ci (inclusion, exclusion, pouvoir, construction de frontières, etc.) et les relations qu’entre¬tiennent ces idéologies avec d’autres dans une dimension historique d’intertextualité.
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