Le projet Translatio studiorum a été formulé autour d’une idée centrale :donner une description aussi précise que possible des phénomènes d’acculturations philosophiques successives d’où est issue la scolastique latine du XIIIe siècle, en s’attachant de manière prioritaire à l’histoire des corpus littéraires, pour, partant de l’archive, tenter d’organiser un récit historique où le “transfert” des textes d’Orient en Occident, de Bagdad à Tolède, avec l’ensemble des phénomènes qu’il condense ou articule, fournirait la matière et le principe d’une approche nouvelle de l’histoire des philosophies antiques et médiévales. Ne pouvant embrasser la totalité d’un processus engagé dès le IXe siècle de l’ère chrétienne dans le monde abbasside, le projet est concentré sur deux domaines : 1) la métaphysique et la noétique, c’est-à-dire la théorie de l’intellect et de la pensée ; 2) la relation entre métaphysique et théologie musulmane, juive et chrétienne ; sur un auteur inscrit dans de multiples continuités/discontinuités : Averroès (Ibn Rušd) ; sur une problématique précise : la réception de sa pensée, et à travers lui, de la philosophie arabo-musulmane dans l’Occident médiéval latin. Le programme de travail est distribué en deux opérations :I. Averroès : éditer, traduire, commenterCette opération prévoit l’édition et la traduction des versions arabe, hébraïque et latine du Kitāb al-Kašf ‘an manahiğ al-adilla, traité de théologie musulmane d’Averroès. Elle est menée à Genève par Barbara CANOVA, en liaison avec Marc GEOFFROY et deux chercheurs associés à l’équipe parisienne : S. DI DONATO (pour la version latine) et A.SHAHLAN (pour la version hébraïque). Le but principal de l’étude de ces sources est d’inscrire le Kašf dans son horizon épistémique et afin d’évaluer correctement le projet théologique et philosophique d’Averroès, la nature et la fonction de sa critique du kalām aš‘arite.Est prévu aussi l’édition des fragments de l’original arabe - que l’on croyait perdu - du Grand Commentaire. Cette partie du projet, menée par Marc GEOFFROY et Colette SIRAT trois faces inséparables : a) L’étude codicologique du ms. de Modène contenant les fragments arabes transmis en caractères hébraïques b) L’édition diplomatique des fragments, leur transcription en arabe et leur comparaison avec les équivalents latins lorsqu’ils existent c) L’esquisse d’un commentaire doctrinal des textes qui les resitue dans l’ensemble de la production noétique d’Averroès.II. L’averroïsme latin et la question du sujetCette seconde opération était conçue en liaison avec la thèse de doctorat préparée à Genève par M. Joël LONFAT sur les Polémiques anti-averroïstes au sujet de l’intellect au XIIIe et XIVe siècle. Articulée autour de l’édition du De plurificatione intellectus de Gilles de Rome (1243/7-1316) qui tient une place absolument centrale dans l’élaboration de la discussion portant sur l’intellect, de la fin du XIIIe siècle au début du XVe. Il est en effet devenu indispensable, afin de mieux déterminer la valeur de la critique des thèses averroïstes faite par des auteurs du XIVème siècle, d’étudier en détails l’œuvre épistémologique de Gilles de Rome.
|