L'expulsion des sans-papiers et des étrangers délinquants. Pour une sociologie comparative de l’expulsion des étrangers indésirables en Suisse, France et Turquie. Depuis longtemps, les questions migratoires sont l'objet d’études pour les sciences sociales. Pourtant, l’intérêt des chercheurs s’est surtout porté jusqu’à récemment sur l’arrivée et l’intégration des migrants dans la société d’accueil. Même si l’expulsion des étrangers est devenue un sujet d’actualité, elle reste un domaine relativement peu traité. Avec cette recherche, nous étudierons l'expulsion des sans-papiers et des étrangers délinquants en Suisse, en France et en Turquie. Nous chercherons essentiellement à répondre à la question : Comment l’expulsion est-elle construite, mise en pratique et vécue dans trois contextes sociopolitiques différents? Pour ce faire, seront examinées de manière comparative les aspects législatifs et administratifs des mises en acte de l’expulsion des étrangers dans chacun des pays étudiés, considérant l'expulsion comme un processus à multiples acteurs et à multiples échelles, se déployant tant au niveau national que transnational. L'histoire des personnes expulsées sera prise en compte, les témoignages permettant d’observer la mise en pratique de l'expulsion au travers des situations vécues. Ils rendront possible la saisie des stratégies et des moyens mobilisés par les expulsés pour pallier ou contester leur expulsion. L’expulsion est un domaine où le recours à différents moyens de coercition est considéré nécessaire. Pour ce faire, les gouvernements mettent en place de nouveaux moyens de coercition plus subtiles et font en sorte que l’observation et/ou le contrôle de l’expulsion soient plus difficiles à effectuer, même s'il existe des tendances fortes de standardisation dans les pratiques de ces pays. On observe aussi une mobilisation accrue de moyens financiers et techniques ainsi qu’une réorganisation constante des dispositifs administratifs respectifs. Ce faisant, l'objectif est aussi d'éliminer l'écart entre le nombre de décisions d'expulsion et celui, plus faible, de personnes effectivement expulsées. Pour ce qui concerne les deux catégories de la population-cible de notre recherche, il semble que leur distinction tende à s'estomper: une fois ces personnes devenues indésirables et leur expulsion considérée imminente, être sans-papiers ou délinquants perd de son importance. Pourtant les effets dissuasifs escomptés peuvent être mis en doute et malgré toutes les précautions prises, l’expulsion est susceptible d’échouer à tout moment, car il reste nécessaire que plusieurs acteurs soient explicitement ou tacitement d’accord, ou ne s’y opposent pas de manière suffisamment forte pour que le processus d’expulsion ne puisse arriver à terme. La contestation tire essentiellement sa force de la mise en lumière d’un processus où différents moyens de coercition sont mobilisés.
|