La Prophetia Merlini est une suite d’environ soixante-dix prophéties, misedans la bouche du devin Merlin au milieu arithmétique du livre. Cesprédictions concernent l’avenir de la Grande-Bretagne depuis l’époque deMerlin -mal définie, mais sans doute située autour de l’an 500- jusqu’àune période également peu déterminée où les signes apocalyptiques semultiplient. Cette série de vaticinations, hermétique et réfractaire àtoute interprétation univoque, a rencontré un succès fulgurant, comme leprouvent les plus de deux cents manuscrits qui nous la conservent. Le butdu présent projet de recherche est de faire apparaître, en exploitant lescommentaires médiévaux et les traductions vernaculaires, comment cesprophéties ont été interprétées, depuis le XIIe siècle jusqu'à laRenaissance. La Prophetia Merlini offre en effet un terrain d’enquêtede premier choix pour qui veut se faire une idée des différentes façonsdont une prédiction obscure a pu être lue au fil des siècles. Entre leXIIe et le XVIe siècle, la Prophetia Merlini a en effet été réutilisée, etinterprétée, voire détournée, en fonction de situations politiquesspécifiques, selon les besoins de factions politiques ou, peut-être plussimplement, selon des courants de pensée particuliers. On connaît pasmoins d’une quinzaine de commentaires latins qui s’efforcent tous d’éclairer la parole de Merlin. Ces écrits exégétiques permettent parconséquent de faire apparaître qui a lu et tenté d’expliquer, dans l’Europe médiévale, ces vaticinations. Les commentaires montrent égalementpar quel biais et dans quel but on a essayé de rendre telle interprétationplus plausible qu’une autre. On voit alors émerger les critères modulablesd’une herméneutique partiale et partisane. Durant le Moyen Age, laProphetia Merlini a également été traduite dans presque toutes les languesvernaculaires et constitue donc un corpus du plus haut intérêt puisqu’ilpermet de rendre compte, au fil des siècles et selon les régions, desdifférentes attitudes traductrices, des orientations politiques ouidéologiques jusque dans le choix des mots, du XIIIe siècle jusqu’à laRenaissance et au-delà, de la France du nord jusqu’en Espagne et enItalie. En étudiant ces prophéties de Merlin, on peut espérer faireémerger des constantes, une sorte de modèle, qui permettrait d'apprécierchacune des réalisations, de Geoffroy de Monmouth jusqu'aux auteurs duXVIe siècle, quand apparaissent à grande échelle des almanachs et deslivres comme celui de Nostradamus.
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